Une dernière édition est un moment particulier : d’abord parce qu’il n’y avait pas de raison extérieure qui nous poussait, Pauline SAUVEUR et moi-même, les fondateurs de PUBLIC AVERTI, à ce qu’UNE EX6OSITION soit la dernière du cycle. Ce fut une décision unanime : nous invitions 6 photographes par an à nous présenter une image unique, témoin de leur travail, de leur engagement dans leur art, de leur état d’esprit le cas échéant. Par le passé, lorsque nous organisions les automnes — un cycle d’exposition pluridisciplinaire au Château de Villequiers — c’était déjà 6 artistes que nous conviions à ce rendez-vous. Le 6 s’était imposé à nous, sans y réfléchir particulièrement. UNE EXPOSITION atteindrait en 2024 sa sixième édition : nous n’avions pas vu la chose auparavant. 6 artistes, 6 éditions et un anniversaire, nos 10 ans, à fêter « en vrai » ? C’était une étape, à laquelle nous parvenions et qui nous donnait matière à réflexion. À ce qui avait été fait entre 2015 et 2025. À ce que nous ferions après. En cela la photographie de Margot MORISSE qui viendrait conclure notre cycle s’imposait. Notre-Dame de Paris fêtait sa réouverture en décembre 2024, après cinq années de reconstruction, à laquelle l’artiste, restauratrice du patrimoine, avait participé. Une forêt — l’image qu’elle nous avait offerte des échafaudages de la cathédrale au début des travaux — rendait à la fois hommage au bois perdu dans l’incendie de 2019 et tournait son regard vers la cime lumineuse d’un édifice qu’artisans et ouvriers rendraient aux Parisiens, aux Français et au monde bientôt. L’écho avec notre modeste architecture avait du sens.
L’une des raisons qui nous confirmaient que cette sixième édition devait marquer une fin pour ce cycle numérique était la prévalence des réseaux sociaux dans nos vies — ce malgré une interrogation dont nous avions témoigné sur Remue.net dans notre série Nocturne —, l’omniprésence, via Instagram notamment, de l’image dans nos existences. Notre invitation demandait aux photographes de nous proposer une image inédite, une image-clé de leur investissement à l’instant t où nous leur posions la question : quelques-uns nous avaient néanmoins offert un travail qu’ils avaient déjà exposé sur la page d’un réseau social ou de leur site personnel. Au-delà de ce constat, nous apparaissait clairement la nécessité de pousser les limites de nos recherches plus loin en terme de contenu comme de territoire : déjà lors de la cinquième édition, nous avions eu la chance de travailler avec Andrew ROVENKO, un réalisateur de films ukrainien basé en Australie ; la précédente avec Carla YOVANE et Samira KAFALA ; pour cette nouvelle édition, nous rencontrerions le Portugal, les États-Unis et le Royaume-Uni mais dans une optique plus vaste, politique : sociale chez Miguel CLARA VASCONCELOS, pour un cliché préparatif à un long métrage sur les conditions de travail sur les chantiers lisboètes ; culturelle chez Dylan KNIGHT, après qu’il avait vécu une dizaine année en Chine et y avait été témoin de l’avènement d’un monde moderne qui balayait le passé ; quotidienne enfin chez Phoebe RUSSELL, dont la prise de vue subjective interrogeait les signifiants sociopolitiques de son pays dans leur résonance et leur impact sur la vie de ses concitoyens.
Puisque prévalence de l’image il y a dans notre société, nous trouvions intéressant également de nous éloigner des photographes professionnels pour questionner ceux dont la pratique photographique, occasionnelle, était devenue peu à peu une évidence, qu’elle soit en lien ou non avec leur activité : Romain VERGER, écrivain, et Loïc LE FAUCHEUR, psychanalyste, avaient ainsi complété cette sixième édition en explorant chez le second la sérénité naturelle d’un paysage, chez le premier, la représentation fantasmée d’une angoisse existentielle, offrant à cette dernière édition une variété — et peut-être d’une certaine manière : une complétude — de ce que le regard, et l’intellect, fixent et conservent, produisent et partagent.
UNE EXPOSITION, au cours de ces six dernières années, aura mis sur le devant de notre scène collective, 36 photographies dont nous espérons présenter le plus grand nombre au Château de Villequiers l’été prochain. C’est un rendez-vous auquel nous vous invitons d’ores et déjà, artistes et fidèles, à fêter dix années que nous avons dédiées, entre autres activités, à la promotion de ceux et celles dont le travail nous fascinait, et qui nous ont fait confiance : en cela, une fois encore, nous les remercions, Pauline et moi, de leur réactivité, de leur générosité et de leur participation qui ont permis à PUBLIC AVERTI d’atteindre ce dixième anniversaire avec fierté et reconnaissance.
Laurent HERROU, 27 janvier 2025.
6 ans, 6 semaines, 6 photographes et 6 photographies par an. 36 images et 36 artistes.
L’exposition se termine définitivement cette fois-ci, alors que nous entrons dans la 10ème année du collectif.
Clore cette forme s’est fait avec la même joie que celle de mettre en place la sixième édition. C’est une joie qu’on a soulignée à maintes reprises au fil du temps, dans les écrits et les présentations, dans chaque mail échangé avec les artistes.
Car c’est quelque chose que d’inviter quelqu’un pour son travail, son regard, ses images, puis d’attendre et enfin de découvrir une unique et spécifique photographie. Les artistes ont accepté notre invitation et cette année a été à nouveau exemplaire (c’est peut-être le propre de l’enthousiasme que de se vivre au présent ?). Les questions et les doutes dont parfois ils ou elles nous font part en amont, me font chaque fois le même effet. J’y reconnais les miens, face à un projet pour lequel je crains que ma proposition ne soit pas adéquate. Et c’est intéressant de constater comme nous n’avons pas de doute concernant les personnes sollicitées.
Cette année encore, les liens qui se tissent entre les images apparaissent avec évidence. C’est un postulat de départ, ce dialogue que nous pressentons, qui se confirme sous nos yeux, et on l’espère, sous les vôtres aussi. C’est un écho qui se répercute de la première image à la suivante. Au fil des 6 semaines, les photographies se répondent et viennent former un groupe qui s’équilibre, traversé par des enjeux communs, à la fois personnels, intimes, collectifs et politiques, universels.
Je suis à chaque fois bouleversée.
Par la justesse du propos, l’angle choisi par chaque invité-e, qui partage cet instant t, matérialisé dans une unique image. Laurent et moi nous recevons la photographie, avec chaque fois, la conscience qu’elle est, non seulement une vue spécifique sur une portion du réel, même fictionnelle et construite, mais qu’elle pose aussi une question nécessaire, forcement nécessaire. Le propos est constitutif de la réponse. Et pour nous, il s’agit d’aller à sa rencontre. L’image a été soupesée, imaginée, composée parfois, extraite toujours, d’une approche plus large, que ce soit un travail au long cours, un essai récent ou une thématique récurrente. Et c’est elle, que nous découvrons au détour d’un mail, avant de la mettre en ligne et en valeur, un lundi matin à 9h.
Cette photographie, dans toute son unicité, pourrait paraitre fragile mais c’est aussi ce qui fait sa force, elle a résisté au tri, elle devient littéralement message et messagère. C’est en cela qu’elle est chaque fois touchante.
Je suis happée par la lumière et la profondeur du ciel et de la perspective au-dessus du lac de Pannecière, troublée par l’amoncellement sur le devant de l’image, minéral, fossile ou animal ? (Loïc le Faucheur)
Bouleversée par la fragilité du visage aux yeux fermés, sur le sol de la forêt, qui renvoie à mes propres questions. (Romain Verger)
Touchée par l’instant dédoublé d’un vol d’oiseaux au cœur de la cité, cernée par une architecture devenue froide et abstraite tant ses dimensions nous dépassent. (Dylan Knight)
Intriguée par la limite impossible à définir, entre réalité et fiction d’une scène de film documentaire, avec le vertige des enjeux bien réels, eux, de justice sociale au travail. (Miguel Clara Vasconcelos)
Terrifiée, oui, par la chaine invraisemblable des forces et des idées, des actions et des renoncements qui ont rendu possible dans la vitrine, la présence de ces bouteilles d’alcool en forme de flingues, prêtes à détruire quoi exactement? Et frappée par la justesse de la prise de vue choisie par l’artiste. (Phoebe Russell)
Émue enfin, face à l’enchevêtrement monumental des échafaudages de Notre Dame, semblable à un réseau de ligaments et de tissus en train de se reconstruire, de renouer éternellement l’histoire avec l’avenir matérialisé. (Margot Morisse)
Ce fut plaisir que de plonger une fois de plus dans le travail de 6 artistes, je les remercie vivement de leur enthousiasme et de leur participation ! La fin de ce cycle nous permettra de prendre du temps, de réfléchir, pour repartir sur une nouvelle approche, un nouveau cadre et de nouvelles invitations. Il s’agit pour nous de continuer ce qui est à la l’origine du collectif, ce dont nous allons avoir besoin, ce que nous devons dorénavant défendre activement : la découverte et le partage, la sensibilité et l’altérité, la recherche et la liberté de création.
Pauline SAUVEUR, 27 janvier 2025.

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